Cinquième voyage Jour 3 : Le passage du crabe
Date : 11 mai 2025
Lieu : Tofino, Canada
J'ai marché sur la plage de Chesterman aujourd'hui, et le brouillard était si épais que j'avais presque le goût du sel sur les lèvres. Le monde semblait réduit aux gris, aux crèmes et au noir profond du bois flotté mouillé. Des formes apparaissaient puis disparaissaient au gré de mes mouvements. Il y avait des rondins de bois qui semblaient lisses sous l'effet du temps, des algues disposées comme une calligraphie aléatoire, et de minuscules bécasseaux filant à la limite du champ de vision.
J'avais gardé mon carnet de croquis, mais je l'ai gardé fermé longtemps pour ne pas interrompre le flot. Le sable était différent sous mes bottes. Il était rugueux près des tas de bois flotté, et doux et velouté plus près de l'eau. J'ai dessiné quelques fragments. On dirait une coquille en spirale, l'ombre dentelée d'une bûche fendue, ou la trajectoire sinueuse d'un crabe. Le brouillard donnait l'impression que tout était suspendu dans le temps, sans échelle ni distance. J'aimais ça.
Il n'y avait aucun bruit, à l'exception du murmure régulier de la marée et du faible cri occasionnel d'une mouette au loin. L'absence d'horizon visible rendait l'endroit un peu désorientant. J'ai perdu la notion du temps et de la distance. Ce n'est qu'en sentant le froid dans mes doigts que j'ai pensé à faire demi-tour.
Plus tard, en époussetant le sable humide du bord de mon manteau, j'ai ressenti une étrange satisfaction face au peu de structure que j'avais tenté d'imposer. Je n'avais pas « capturé » la plage ; j'avais juste eu une conversation tranquille avec elle. Mon carnet de croquis est rempli d'espaces vides aujourd'hui, et cela me semble normal.
Je suis heureux de laisser la majeure partie de la page vide.
