Cinquième voyage, jour 46 : Retenu par l'effondrement

Date : 23 juin 2025
Lieu : Liepāja, Lettonie
Liepāja donne l'impression d'être au bord d'un monde plus vaste. Même cachée, la présence de la mer se fait sentir – je la sens dans le mouvement de l'air et dans la fine couche d'humidité qui semble recouvrir chaque surface. La lumière est restée douce toute la journée, et le ciel était à moitié ouvert, sans jamais se fermer complètement, ni s'ouvrir complètement non plus.
J'ai passé quelques heures dans le district de Karosta cet après-midi. Les anciennes structures navales sont peu à peu détruites par la mer. Des bunkers en béton et de lourdes dalles de pierre penchent vers le sable, leurs arêtes vives s'arrondissant légèrement avec le temps sous l'effet du vent et de l'érosion. Des charpentes métalliques rouillées font saillie à différents angles. Certaines sont à moitié enterrées. D'autres penchent vers les éléments, comme si elles parlaient lentement à l'air. La brise soufflait à travers les fenêtres brisées et les espaces ouverts, apportant une forte odeur de sel et de ferraille.
Il règne ici un calme qui n'est pas vide. Les structures semblent encore tenir leur rôle, même si la mer efface peu à peu leurs contours. Je suis resté un moment devant l'une des digues érodées, observant les vagues se briser en couches, chacune frôlant ce qui restait avant de se replier, comme pour tester son poids.
Ce sont les textures qui me viennent à l'esprit : les couches de béton écaillé, le sable sculpté par le vent, les algues dispersées et le léger éclat de l'eau qui s'accumule dans les petites fissures. Ici, tout semble lâche, comme si l'équilibre était constamment négocié entre ce qui reste et ce qui est emporté.
Ce soir, l'air à ma fenêtre vibre doucement du même vent, même si la mer elle-même est hors de vue. Je sens encore le sel sur ma peau. Je me sens immobile et tranquille, sans être lourde, mais soutenue.